Raison d’être d’entreprise : un levier stratégique pour conjuguer performance et durabilité

Pourquoi et comment définir la raison d’être de votre entreprise : levier de durabilité, de cohésion et de sens.

La raison d'être, boussole de l'entreprise
RSE

Sarah Gautschoux

7 avril 2025

Dans un monde en pleine mutation — crise climatique, exigences sociétales, quête de sens –, les entreprises ne peuvent plus se contenter de maximiser le chiffre d'affaires à court terme. La raison d’être, la société à mission, apparaissent comme des innovations de gouvernance capables de relier mission, stratégie et performance durable.  

Mais que cela recouvre-t-il vraiment ? Et pourquoi une entreprise devrait-elle se doter d'une raison d'être ? Cet article vous guide pas à pas — définition, enjeux, méthodes et retours d’expérience — pour vous aider à intégrer cette dimension au cœur du projet d’entreprise. 

Qu’est-ce que la raison d’être d’une entreprise ? 

Une définition simple 

La raison d’être est une formulation explicite du « pourquoi » d’une organisation : la contribution qu’elle souhaite apporter à la société, au-delà de la seule création de valeur économique. Elle pose une intention forte, souvent tournée vers l’environnement, le social ou la gouvernance, qui guide les choix stratégiques, les priorités et la culture interne. 

Elle est différente de la mission (ou « mission d’entreprise ») : la mission est ce que l’entreprise fait concrètement — ses activités, ses produits, ses services — tandis que la raison d’être est son horizon, sa finalité (la « boussole »).  

Fondement légal français — lien avec la société à mission 

En France, la raison d’être a pris corps dans le cadre juridique via la loi Pacte (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises, 2019) : elle peut être inscrite dans les statuts (article 1835 du Code civil), ce qui permet à l’entreprise d’aller plus loin vers une entreprise à mission. De fait, la raison d’être est un prérequis pour accéder au statut de société à mission. Sans raison d’être inscrite, on ne peut pas revendiquer la qualité d’entreprise à mission.  
 Une fois cette raison d’être adoptée, l’entreprise doit définir des objectifs sociaux et environnementaux, instituer des mécanismes de suivi (comité de mission, indicateurs, vérification externe), et publier des comptes rendus.  

Société à mission vs raison d’être : quelle différence ?

  • Raison d’être : intention, vocation, orientation.
  • Société à mission : un statut juridique (en France) qui institutionnalise cette intention : inscription dans les statuts, obligations de suivi, contrôle externe.  

On peut dire que la raison d’être est le premier niveau, la fondation, tandis que la société à mission est le niveau suivant, avec des engagements formalisés. Sans raison d’être, pas de société à mission. 

Certaines entreprises peuvent choisir de rester simplement à la raison d’être (sans faire le saut juridique) mais veiller à ce qu’elle soit incarnée. D’autres choisiront la voie de la société à mission pour plus de robustesse juridique et de visibilité. 

Ce qu’elle n’est pas 

  • Ce n’est pas une stratégie ou un positionnement marketing : une raison d’être sans ancrage opérationnel est vouée à l’échec. 
  • Ce n’est pas ce que l’entreprise veut être, c’est ce qu’elle est intrinsèquement.
  • Ce n’est pas une contrainte paralysante : c’est une orientation flexible, qui doit vivre, s’adapter.
  • Elle ne s’adresse pas qu’aux grandes entreprises : une PME, une ETI peut (et à intérêt à) se poser la question de sa raison d’être. 

La raison d’être révèle ce qui est vivant dans l’entreprise.  

Pourquoi travailler sa raison d’être ? 

  1. Alignement stratégique & différenciation compétitive : quand la raison d’être guide les choix (offres, investissements, partenariats, innovations), elle donne une cohérence à la stratégie. Cela devient un avantage concurrentiel durable. 
  2. Durabilité et résilience : une entreprise qui pense à long terme — en intégrant ses enjeux environnementaux et sociaux — sera plus résiliente face aux chocs (réglementaires, réputationnels, climatiques). L’investissement durable est aussi un signal positif pour les marchés et les financeurs.
  3. Donner du sens & fédérer : une raison d'être incarnée dans la culture d’entreprise renforce la cohésion interne : les équipes se sentent davantage engagées : elles connaissent le « pourquoi » de leur travail. Les collaborateurs passent d’exécutants à acteurs d’un projet commun.
  4. Améliorer l’attractivité et la rétention : face à une pénurie de talents et à des profils qui accordent de plus en plus d’importance aux valeurs et à l’impact, une raison d’être forte est un vecteur d’image employeur : elle attire des candidats en quête de sens.
  5. Renforcer la crédibilité vis-à-vis des parties prenantes : clients, investisseurs, collectivités, ONG… toutes ces parties prenantes attendent aujourd’hui des entreprises qu’elles incarnent des valeurs et soient responsables. Une raison d’être bien pensée augmente la crédibilité, l’authenticité et la confiance.  

Comment définir sa raison d’être (et la mettre en action) 

Voici une feuille de route en 7 étapes que vous pouvez adapter selon votre contexte : 

  1. Diagnostic & introspection : comprendre l’histoire, les valeurs, les spécificités, les forces, les défis de l’entreprise. Comment ? Interviews internes, ateliers de co-réflexion, consultation des parties prenantes
  2. Recherches externes : identifier les parties prenantes, analyser le contexte de l’entreprise et ses évolutions. Comment? Études de marché, benchmark, revue des bonnes pratiques.
  3. Ateliers de co-construction : impliquer les parties prenantes internes (dirigeants, salariés, représentants). Comment ? Favoriser l’intelligence collective, ne pas laisser la raison d’être à une seule personne.
  4. Rédaction & itération : formuler une version inspirante, actionnable, mesurable. Comment ? Utiliser un langage clair, éviter le jargon ; tester des versions auprès de groupes de test.
  5. Validation & pilotage : définir une vision à long terme, créer les structures de gouvernance. Comment ? Se projeter dans sa raison d’être à 10 ans ; prévoir un comité de mission ou organe équivalent.
  6. Déploiement organisationnel : intégrer dans la stratégie, les processus RH, la gouvernance. Comment ? Traduire la raison d’être en objectifs opérationnels, ajuster les politiques internes
  7. Mesure & suivi : Rendre compte, ajuster, faire évoluer. Comment ? Rapports de performance extra-financière, audits tiers, retour d’expérience régulier 

Pour aller plus loin, consultez le guide pratique de Bpifrance Le Lab.

Quelques bonnes pratiques pour une raison d’être qui fonctionne : 

  • Partir d’une vérité pragmatique (réalité de l’entreprise), pas d’un idéal abstrait.
  • Veiller à ce que la raison d’être soit actionnable, c’est-à-dire connectée aux métiers, aux processus et aux arbitrages.
  • Impliquer vos parties prenantes internes et externes dans une démarche de co-construction.
  • Assurer une cohérence dans le temps : la raison d’être ne doit pas être un gadget marketing, mais être incarnée.
  • Réviser périodiquement la raison d’être si les conditions changent (évolutivité). 

Exemples inspirants de raisons d’être d’entreprise 

Parce qu’il est souvent plus simple de comprendre en observant ceux qui ont franchi le pas, voici quelques raisons d’être emblématiques d’entreprises françaises et internationales. 

  • Groupe Rocher : “Reconnect people to nature*.” *Reconnecter à la nature.

Une approche qui traduit l’ambition de développer un écosystème durable.

  • Danone : “Apporter la santé par l’alimentation au plus grand nombre.”

 Une raison d’être tournée vers la santé et l’accessibilité, devenue le socle de la stratégie durable du groupe. 

  • MAIF : “Nous ne défendons pas seulement les intérêts de nos sociétaires, nous servons l’intérêt commun.” 

 Symbole d’un mutualisme moderne où la performance s’allie à la solidarité. 

  • ENGIE : “Agir pour accélérer la transition vers une économie neutre en carbone.” 

 Une orientation claire dans un secteur clé de la transition énergétique. 

Ce qui ressort à travers ces exemples :

  • Une raison d’être authentique naît d’une vérité métier, pas d’un slogan ;
  • Elle doit être opérationnelle
  • Elle relie valeurs, stratégie et impact réel

Risques et limites à anticiper 

Bien sûr, il y a des points de vigilance :

  • L’effet d’annonce : proclamer une raison d’être sans la vivre revient à du greenwashing.
  • L’écart entre les mots et les actes : si la stratégie, la gouvernance ou la culture ne suivent pas, la légitimité de la démarche s’érode.
  • La surcharge d’engagements : décliner sa raison d'être sur trop d’objectifs peut diluer la focale. Il faut être ambitieux tout en cheminant pas-à-pas : on ne parlera jamais assez des vertus des quick wins.

Ce que cela apportera concrètement à votre entreprise 

Quand la raison d’être est bien conçue et incarnée, les retombées peuvent être multiples :

  • Renforcer la cohésion et la fierté d’appartenance ;
  • Attirer des talents engagés ;
  • Crédibiliser vos engagements RSE ;
  • Différencier votre offre sur des marchés matures ;
  • Mieux dialoguer avec vos parties prenantes ;
  • Gagner en cohérence stratégique et en résilience. 

Et maintenant, à vous d’écrire la vôtre 

Définir sa raison d’être, c’est bien plus qu’un exercice de communication : c’est une réécriture de la trajectoire de votre entreprise. C’est l’occasion de fédérer, de clarifier votre cap et de donner du sens à votre croissance. 

C’est une aventure humaine, intellectuelle et stratégique. 

En savoir plus 

Contactez-nous